lundi 30 août 2010

Les catholiques s'éveillent à l'écologie article paru dans la Croix LA CROIX 15/10/2007

Les catholiques s'éveillent à l'écologie

À l'unisson de la société civile, les catholiques français commencent à prendre la mesure des problèmes environnementaux et à se mobiliser
Ils sont peu nombreux à faire dialoguer le monde écologiste et le monde catholique. Jean-Marie Pelt, botaniste et président de l’Institut européen d’écologie, est de ces rares personnalités qui œuvrent explicitement à la rencontre de ces deux milieux.

Membre de deux groupes de travail du Grenelle de l’environnement, auquel il a été invité en tant que « personne morale associée », Jean-Marie Pelt est bien conscient de l’absence des Églises et des associations chrétiennes dans cette consultation, pourtant très large, de la société civile.

Une absence explicable, selon lui, par le retard de l’Église catholique sur les questions écologiques. « Les Églises – en particulier notre Église catholique – s’éveillent lentement à l’écologie, souligne-t-il. Mieux vaut tard que jamais, mais il y a eu un très grand retard. »

Si, dans l’histoire récente, l’Église catholique s’est mobilisée sur les questions sociales et bioéthiques, elle n’a pas beaucoup défriché le champ écologique. « L’Église s’est beaucoup mobilisée pour le respect de la vie humaine de la conception à la mort naturelle. On peut répéter cette conviction, mais à condition qu’il y ait encore une vie humaine ! » plaide Jean-Marie Pelt, pour qui « la protection de la vie tout court est une priorité absolue ».
"Il y a un réveil au sein des Églises"
Parmi les catholiques, il y eut pourtant quelques pionniers. Jean Bastaire, écrivain très inspiré par la tradition franciscaine, appelle depuis de nombreuses années les chrétiens à une « conversion écologique ».

Jean-Pierre Ribaut, ancien chef de la division de l’environnement au Conseil de l’Europe, aujourd’hui diacre permanent à Bordeaux, s’est, lui, beaucoup mobilisé dans la mise en place de groupes œcuméniques « écologiques » dans le sillage de Pax Christi France. L’impulsion donnée par ces pionniers entre aujourd’hui en synergie avec la mobilisation de la société civile.

Sous ces effets conjugués, les catholiques sortent progressivement d’un long sommeil. Mgr Marc Stenger et Jean-Pierre Chaussade, en charge des questions environnementales à Pax Christi, évoquent volontiers la petite brise écologique qui souffle sur l’Église de France. Près de 20 groupes en lien avec Pax Christi ont vu le jour en moins de deux ans. Un collectif d’associations et de mouvements chrétiens lance régulièrement des campagnes de sensibilisation pour inciter les fidèles à changer de modes de vie et de consommation.

Dans les diocèses, les initiatives, locales mais concrètes, se multiplient. « À Paris, le Couvent des Bernardins restauré a été équipé d’une climatisation fonctionnant avec un système de pompe à chaleur sur la nappe phréatique, témoigne Jean-Pierre Chaussade, diacre pour le diocèse de Paris, qui ajoute que depuis cette rentrée, la formation des futurs prêtres parisiens comprendra deux conférences : l’une sur l’environnement et le développement durable, l’autre sur le changement climatique. « Il y a un réveil au sein des Églises, confirme Jean-Marie Pelt. Dans les demandes d’intervention, ce qui vient du monde chrétien est maintenant abondant, alors qu’il y a encore un an, il ne venait rien… »
Près de 4 000 participants attendus à Paris en novembre
D’autres signes sont toutefois moins encourageants. Cette année encore, la proposition faite aux Églises chrétiennes d’organiser au mois de septembre « Un temps pour la Création » n’a recueilli que peu d’écho. Cette initiative, relayée par le Réseau environnemental chrétien européen (Ecen), propose aux communautés chrétiennes d’organiser une rencontre, une conférence ou une veillée de prière, ayant pour thème la Création et le respect de l’environnement (lire La Croix du 1er septembre).

« Je ne suis pas sûr que tous les évêques connaissent l’existence de cette proposition, reconnaît Mgr Stenger. À Pax Christi, nous ne voulons pas faire de mot d’ordre sur les questions environnementales. Nous préférons inciter et laisser chacun prendre peu à peu la mesure des choses. »

Signe que les choses sont pourtant en train de bouger, les prochaines Semaines sociales de France (SFF), rassemblement des « catholiques sociaux », aborderont cette année les questions d’écologie et de développement durable. Sur le thème « Vivre autrement. Pour un développement durable et solidaire », près de 4 000 participants sont attendus à Paris, du 16 au 18 novembre prochain.

« Cela fait deux ans qu’on s’y prépare et nous tombons en plein Grenelle de l’environnement, se réjouit Jean-Pierre Rosa, membre du conseil des SSF. Les Semaines sociales aborderont les questions écologiques à leur manière, avec “une tonalité sociale” ». « Les chrétiens sont particulièrement attentifs aux retombées des changements nécessaires dans les modes de vie, souligne-t-il. Il s’agit de soulever la question d’un autre mode de développement, d’une autre manière de vivre ensemble. »
"Les milieux écologiques sont peu prêts à collaborer"
Les catholiques, qui se mobilisent avec retard sur les questions écologiques, sont-ils pour autant attendus ? Sur cette question, les avis sont partagés. « Je dirais que les milieux écologiques sont peu prêts à collaborer », juge Jean-Marie Pelt qui considère que le monde catholique est culturellement très éloigné de celui de l’écologie. « Je ne pense pas que les catholiques le perçoivent, mais les écologistes le sentent très clairement et sont souvent critiques envers le judéo-christianisme qu’ils rendent responsable de l’état de dégradation de la planète. »

Cette thèse, développée à la fin des années 1960 par le médiéviste américain Lynn White, reproche à la pensée juive et chrétienne d’avoir préparé et encouragé une mentalité dominatrice dans la relation de l’homme à la nature, inspirée en particulier du commandement divin adressé à l’homme dans le récit de la Genèse (1,28) : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. »

Cette lecture a depuis été largement réexaminée et critiquée, mais son impact demeure. « Il ne faut pas oublier que Lynn White était un protestant engagé, souligne ainsi Otto Schäfer, botaniste et théologien protestant. Son idée n’était pas qu’il fallait être moins chrétien pour protéger l’environnement, mais qu’il fallait être chrétien d’une autre façon, plus profonde. »

D’autres écologistes, moins critiques ou conscients que les réponses techniques à la crise écologique ne suffiront pas, n’hésitent pas à tendre la main aux Églises et aux religions. « Nous ne pouvons esquiver plus longtemps le rendez-vous critique que nous avons avec notre société matérialiste. Fondamentalement, ce rôle revient aux hommes d’Église, aux hommes de foi, et, plus généralement aux hommes d’esprit, déclarait récemment Nicolas Hulot (1). Je pense que la religion peut servir l’écologie, mais inversement je suis convaincu que l’écologie peut servir la religion. »

Elodie MAUROT

(1) La Création, un trésor à contempler, un trésor à sauver, Revue Prier, Hors-série n° 85, 8,90 €.

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