vendredi 12 novembre 2010

Les Français ont amorcé leur révolution verte

La Croix du 11/11/2010 19:00

Europe Écologie et les Verts vont se fondre samedi 13 novembre à Lyon en un seul mouvement, doté d’un nouveau nom. Avec cette nouvelle offre politique, ils espèrent rallier de nombreux suffrages, faisant le pari du développement de la « fibre verte » des Français.

Crise économique, controverse scientifique sur le réchauffement climatique, rien n’y a fait. L’environnement s’est bel et bien enraciné dans la tête des Français. « Malgré une forte remontée des préoccupations économiques liée à la crise, l’environnement reste en 2010 un sujet de préoccupation majeur », analyse Sandra Hoibian, sociologue au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).

« Le processus du Grenelle a légitimé l’analyse des ONG, qui ont été mises sur un pied d’égalité avec les organisations syndicales, le patronat et les associations de consommateurs, assure Stephen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’environnement. Notre constat sur les crises écologiques est aujourd’hui partagé par une majorité de Français. »

Reste dorénavant à passer du constat… à l’action. Et là, les Français n’en seraient qu’aux balbutiements de leur conversion à l’écologie. Certes, il existe des signes encourageants. « Le tri des déchets est entré dans les mœurs, avance ainsi Isabelle Sannié, économiste à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Les Français trient mal, mais ils trient ! »

L’énergie produite par les biocarburants a augmenté de 103%
De même, la consommation de produits alimentaires « bio » décolle. Le chiffre d’affaires du secteur a doublé entre 2005 et 2009. Près des trois quarts des foyers s’éclairent à l’aide d’ampoules à économie d’énergie. Et la petite laine supplémentaire est de plus en plus souvent préférée au radiateur d’appoint en cas de coup de froid…

« Le marché des produits dits durables doit encore passer d’un marché de niche à un marché de masse », constate Éric Duvaud, directeur du département Environnement chez Ernst & Young. Si les courbes décollent, le marché de l’alimentation bio ne représente jamais que moins de 2% du marché alimentaire total…

Concernant les énergies renouvelables, l’effet d’optique est encore plus spectaculaire. Entre 2007 et 2009, l’éolien a fait un bond de 91%. L’énergie produite par les biocarburants a augmenté de 103% et celle produite par le solaire photovoltaïque de… 600% !
Le gouvernement s’est arrêté à mi-chemin
De quoi donner le tournis, au point que le ministère de l’écologie a décidé de raboter les avantages fiscaux dont bénéficie le secteur pour éviter « la surchauffe ». Il n’empêche : rapportée à la production énergétique totale, la contribution de l’éolien et du photovoltaïque, partis de presque rien au milieu des années 2000, reste totalement marginale.

Parmi les moteurs du changement identifiés, seule la sensibilisation des acteurs est aujourd’hui acquise. « Les consommateurs ont aussi besoin d’une information fiable pour orienter leurs choix », ajoute Éric Duvaud. Or, elle fait aujourd’hui défaut. « La multiplication des allégations environnementales des entreprises finit même par instiller le doute », observe Isabelle Sannié.

Autre moteur du changement : la commande publique et la fiscalité, qui permettent de soutenir à leurs débuts les filières « vertes ». « Tant que les produits écologiques seront plus chers que les autres, les gens ne les achèteront pas ! », rappelle Stephen Kerckhove. Le bonus-malus automobile, les éco-prêts à taux zéro pour la rénovation de l’habitat… tous ces outils ont montré leur efficacité. Mais, en la matière, le gouvernement s’est arrêté à mi-chemin. La taxe sur les poids lourds, qui pourrait rééquilibrer le transport de fret – dominé à plus de 80 % par la route – en faveur du rail, est en suspens. Quant à la taxe carbone, elle a été abandonnée.
Prêts à voter pour un parti prônant des mesures écologiques radicales ?
« Tout est amorcé, notamment avec le Grenelle de l’environnement, assure Éric Duvaud. Mais nous n’en sommes encore qu’au stade du démarrage vers une économie plus responsable. » Pour l’instant, la production énergétique française reste dominée par le nucléaire, bête noire des écologistes. L’agriculture avance à petits pas vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Et personne ne veut lâcher le volant de sa voiture… « Plus de la moitié des Français utilisent leur voiture au moins une fois par jour, ajoute Isabelle Sannié. Une proportion qui a même augmenté ces dernières années. »

« Sans parler des contraintes financières, les Français sont pris entre deux feux : leur préoccupation pour l’environnement et leur aspiration à davantage de confort, résume Sandra Hoibian. Ils voudraient bien faire quelque chose, mais ne savent pas trop comment s’y prendre. Ils ont besoin d’un petit coup de pouce. De ce point de vue, ils semblent plus disposés qu’il y a dix ans à accepter des mesures contraignantes en faveur de l’environnement. »

Seraient-ils dès lors prêts à voter pour un parti prônant des mesures écologiques radicales ? Difficile à dire, d’autant que, jusqu’à présent, aucun lien direct n’a été démontré entre la sensibilité à l’environnement et le vote écologiste, qui reste très marqué par des considérations purement politiques.

Emmanuelle RÉJU

Aucun commentaire: