jeudi 4 novembre 2010

« Sur l’écologie, la société civile est en attente des positions de l’Eglise » article paru dans la Croix du 03/11/2010

La Croix du 03/11/2010
« Sur l’écologie, la société civile est en attente des positions de l’Eglise »

Nommé en mars dernier, le « monsieur écologie » de la Conférence des évêques estime que l’Église doit faire entendre sa voix sur les questions environnementales

ENTRETIEN
Jean-Hugues Bartet
Responsable du département « Environnement et modes de vie » à la Conférence des évêques de France

La Croix : Comment expliquer que l’écologie soit au programme cette année de l’Assemblée plénière des évêques de France ?

Jean-Hugues Bartet : L’Église de France se rend compte depuis plusieurs années que l’écologie est dans son champ de compétences. Non seulement sur un plan social, mais aussi par son aspect théologique.

Aimer son prochain, c’est se soucier de l’environnement et de la planète. L’écologie, c’est l’attention que nous portons à la maison commune. Et ce souci conduit forcément à la question : qui sommes-nous dans l’univers ?

Or, l’Église, comme l’a rappelé autrefois le cardinal Ratzinger, a longtemps négligé la théologie de la Création. Ainsi, l’Église de France, traditionnellement ancrée sur les questions sociales, avait un certain retard. Nous avions tendance à considérer que l’écologie, c’était un « plus » que seuls les riches pouvaient s’offrir.
Comment est-elle devenue un sujet de préoccupation pour les évêques ?

Cela fait quarante ans que les papes nous disent de nous préoccuper d’environnement. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs associations, notamment Pax Christi, élaborent une réflexion, des documents d’information sur le sujet. En 1999, le livret La création au risque de l’environnement avait jeté les bases d’un travail théologique.

Sur ces sujets, l’Église de France a progressé au rythme lent de la société, si bien que, l’an dernier, lors de l’Assemblée plénière, les évêques ont décidé de créer un groupe de travail, qui va rendre ses conclusions le 8 novembre.
De quelle manière l’Église arrive-t-elle à faire entendre sa voix ?

Pour l’instant, elle ne dispose pas de lobbys… Il existe un petit réseau œcuménique et des groupes locaux qui essaient de faire aboutir des actions, notamment en matière d’urbanisme, de protection de l’environnement naturel. Il y a aussi les campagnes sur le thème « vivre autrement » organisées par un collectif de 27 associations.

Pour l’heure, le rôle clé de l’Église est d’aider à réfléchir. Et je suis frappé de constater que la société civile est en attente des réflexions des responsables religieux et des « porteurs de sens ». On l’a vu notamment au moment du « Grenelle de l’environnement », avant lequel les responsables religieux ont été invités par le ministre à s’exprimer.

D’ailleurs, je remarque que les intuitions de l’Église, en particulier pour le développement durable, sont reprises par la société. La première conférence de Stockholm sur l’environnement, en 1972 ,avait été ouverte par un message de Paul VI…
Quelles relations entretenez-vous avec les autres défenseurs de l’écologie, sachant que la plupart ne sont pas forcément proches des positions de l’Église ?

La politisation des écologistes et leur héritage libertaire ont freiné manifestement les relations avec l’Église. Mais l’ambiance s’est améliorée. Nicolas Hulot a signé la préface du livre La Création au risque de l’environnement , publié par la Conférence des évêques de France en 2008. Dans ces domaines, les relations sont potentiellement sympathiques, mais elles ne sont pas encore structurées.
Vous avez été nommé en mars à la tête du département « environnement et modes de vie » au sein du Conseil « famille et société » de la Conférence des évêques de France. Quel est votre rôle ?

Ma nomination a un aspect symbolique : elle est le signe que la Conférence des évêques considère l’écologie comme une question à part entière de la vie des chrétiens. Tous ceux qui mènent des initiatives dans ce domaine ont désormais un interlocuteur.

J’aimerais à l’avenir pouvoir proposer des kits de sensibilisation à l’écologie à destination des paroisses. Même si les associations écologistes ne nous ont pas attendus pour faire du bon travail, je crois que nous devons faire entendre notre propre voix. Les questions environnementales sont trop souvent envisagées sous l’angle d’une menace potentielle qu’il faudrait conjurer. Les chrétiens sont porteurs d’une espérance, en lien avec la Création.

Recueilli par Bruno BOUVET

Aucun commentaire: